Travail au noir, 1982
Moonlighting
Jerzy Skolimowski
Coluche disait que Jaruzelski enlèverait ses lunettes noires lorsqu’il aurait fini de souder la Pologne à l’empire soviétique.
Skolimowski garde la blague au rayon bricolage en filmant un groupe de maçons polonais effectuer un chantier non déclaré en Angleterre, alors qu’à Varsovie le coup d’Etat du général provoque l’état de siège. Le contremaître de l’équipe choisi de ne rien dire à ses compatriotes et de poursuivre le travail quitte à imaginer tout un film, un film de Skolimowski.
Pour rester avec Coluche, il s’agit donc aussi de lunettes noires et de la présence fantomatique de Jaruzelski…
C’est un film politique. C’est un film social.
Mais comme les choses sont assez évidentes, le cinéaste choisit de se concentrer sur ses personnages. La politique, c’est le hors champs, l’opacité, l’imprévisible, à l’image de la disparition de leur patrie pour ces hommes qui vont s’isoler du monde dans la maison qu’ils sont censés rénover.
Le social, c’est un groupe d’ouvrier au travail.
Skolimowski y ajoute son ton absurde et grinçant. Les scènes d’intérieur relèvent du cinéma d’horreur kafkaïen. Le contremaître seul se permet de quitter le chantier pour tenter toutes formes de stratagèmes destinés à ravitailler le groupe. Ce sont les scènes d’extérieur durant lesquelles Jeremy Irons joue de son regard noir et de sa sécheresse inquiète, et qui tendent vers le pur thriller d’action.
Le réalisateur polonais maîtrise les 2 domaines à la perfection et pousse la tension jusqu’au paroxysme, lorsque le chantier est découvert, le mensonge éventé et que les travailleurs se trouvent contraints de fuir leur abri qui s’était progressivement transformé en champ de bataille domestique.
Le cinéaste les accompagne jusqu’au néant, titubant dans la nuit, disparaissant lentement dans le noir, apatrides, effacés à même l’écran.