Wildlife, 2018
Paul Dano
Dans les années 60, Joe, un adolescent de 14 ans, assiste impuissant à la lente dégradation des rapports entre son père et sa mère.
Il existe une légende de cinéphiles selon laquelle il y aurait toujours quelque chose d’intéressant à retirer dans un film réalisé par un acteur. Par opposition, rien de bon ne proviendrait des films de chefs opérateurs.
Dans cet axiome, se lit l’opposition de l’homme et de la machine. Un comédien saura toujours se concentrer sur ses pairs, tandis qu’un chef opérateur fera plus volontiers confiance à la technique, au risque d’éliminer l’humain.
En tant qu’admirateur de Mario Bava, je me gardera de trancher…
« Wildlife » est réalisé par Paul Dano, acteur fébrile chez Denis Villeneuve ou Paul Thomas Anderson.
Le moins que l’on puisse dire, est qu’il sait bien servir ses collègues : Carey Mulligan, Jake Gyllenhaal et le jeune Ed Oxenbould proposent des partitions subtiles dans leurs solos et dans leurs croisements.
Beau film d’acteurs donc.
Mais Dano se montre également subtil dans la dramaturgie comme dans l’image de son premier long métrage.
Si l’on perçoit l’hypothèse d’une coming of age story, avec rébellion adolescente (sixties oblige), « Wildlife » déjoue les attentes en se concentrant sur les creux et les non dits, les colères rentrées et les tragédies invisibles.
De la même manière, un film américain se déroulant dans ces années là se doit, la plupart du temps, d’offrir des couleurs pétillantes associées à une solide compilation de tubes d’époque en bande sonore. Rien de cela ici, la pop se fait discrète à la radio et les années 60 de Paul Dano se déroulent sous la lumière crue d’un éternel matin d’hiver (beau travail de chef opérateur pour le coup).
Le taciturne protagoniste de ce drame familial en sourdine se découvrira une passion pour la photographie, ce qui lui permettra de réunir une dernière fois sa mère et son père, et au cinéaste d’orchestrer une scène bouleversante de retrouvailles trop tardives.
C’est ainsi qu’en 2018, un film d’acteur aura, de manière à la fois littéraire et picturale, réhabilité l’art du portrait au cinéma.