Tesnota, une vie à l’étroit, 2018

Tesnota

Kantemir Balagov


1998, Nalchik, Nord Caucase, Russie.
Ilana, 24 ans, travaille dans le garage de son père pour l’aider à joindre les deux bouts. Un soir, la famille et les amis se réunissent pour célébrer les fiançailles de son jeune frère David. Dans la nuit, David et sa fiancée sont kidnappés et une rançon réclamée. Au sein de cette communauté juive repliée sur elle-même, appeler la police est exclu.

Les téléphones portables sont devenus les nouvelles super 8, offrant par une image pauvre, la puissance du réel.
Toutefois, la technologie s’accompagne de son ombre anxiogène. Il va falloir nous habituer à suivre des personnages connectés, tentant d’échapper au contrôle de tous sur chacun, filmés par les moyens de leur perdition.
« Tesnota » rappelle le filmage étouffant des premières oeuvres de Bela Tarr, alors que tout rassemblement était interdit dans la Hongrie des années 70, à fortiori pour réaliser un film.
Un sentiment de danger émane de chacune de ses images pixélisées, lesquelles entrechoquent les angoisses de l’époque jusqu’à un sommet d’horreur lorsque dans une soirée torve, les jeunes protagonistes s’hypnotisent devant des vidéos de propagande djihadiste.
Nous sommes dans un coin de Terre bien étrange pour nous autres occidentaux : la Kabardie, portion du Caucase, lieu de toutes les tensions entre les empires européens, russes et asiatiques. Les appareils numériques y concentrent toute la confusion du monde, entre dérives identitaires, fascinations religieuses, tentations nihilistes (une société tellement plus vivante aurait dit Limonov…).
Le jeune Kantemir Balagov vient de cet univers et en retranscrit la violence et la misère avec une force peu vue dans le cinéma mondial ces dernières années.
Cette force provient d’idées graphiques sidérantes comme son héroïne éclairée en bleu face aux rouges et ocres qui tentent de l’engloutir, mais également de la quasi transfiguration de son actrice, Darya Zhovner qui épuise son corps et son jeu dans une transe continue.
Le film se termine en une étreinte entre la mère et la fille, un recadrage sur une gorge, laisse comme un doute sur l’intention maternelle, leurs paroles sont recouvertes par le bruit de l’eau, elles portent les seuls vêtements qui leur restent, soit des robes traditionnelles et l’on se croirait devant un plan de Paradjanov.
Et l’on s’incline devant le cinéaste qui a retrouvé le souffle mystique du grand cinéma russe à l’aide d’un i-phone.

~ par 50 ans de cinéma sur 30 juillet 2018.

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