The last family, 2018

Ostania Rodzina

Jan P. Matuszynski


Zdzislaw Beksinski a peint des toiles sublimes et terrifiantes qui le placent au panthéon du surréalisme.
Le cinéaste Matuszynski a choisi de le représenter dans son quotidien, dans un exercice dépouillé de faux documentaire immersif. Dépouillé mais pas sans complexité tant la véritable vie du peintre était innervée de folie, laquelle contamine inexorablement le dispositif de mise en scène.
On ne verra pratiquement jamais les tableaux, et rien de nous amène à leur magnificence kafkaïenne.
« The last family » prend des allures de métrage lo-fi, dans lequel l’artiste (celui représenté comme celui qui filme) idéalise la grossière image VHS.
Mais cet amateurisme, discrètement stylisé, cache un authentique film punk. Tout, dans la vie de Beksinski semble relever de la performance, l’homme ne se répartissant jamais ni de sa caméra vidéo, ni d’un sourire amusé.
Le home movie se fait particulièrement grinçant lorsqu’il se concentre sur le fils du peintre, Tomasz, proto geek hystérique et vedette locale, dans la Varsovie de Jaruselski.
Durant les premières séquences, celles de la découverte de l’outil vidéo, on croirait visionner un épisode de Strip-Tease en polonais.
Mais rapidement, la mise en scène retorse de Matuszynski nous emporte dans un autre monde, un univers d’immeubles vides, continuellement battus par la pluie, qui créent des espaces solennels et tortueux, qui ont probablement inspiré le fantastique glacé de l’artiste.
C’est aussi un monde terrible, dans lequel le pire est la seule certitude.
Malgré la tendresse (Beksinski et son épouse Zofia forment un couple émouvant), malgré le rire (le fils maladroit se débat dans des pantomimes qui relèvent du burlesque pur), c’est bien la mort qui donne le tempo.
Ceux qui s’aiment seront séparés à jamais et le jeune poète se révèlera profondément malade de ses angoisses.
Le double regard, du cinéaste et du personnage, propose in fine une tentative de rébellion face à l’inéluctable: à chaque décès, le peintre continue à filmer, geste absurde dans une situation sordide mais ultime tentative de conserver la vie.
En miroir, Tomasz s’était constitué une notoriété en tant que commentateur de cinéma. Dans les années 80, les rares films passant le rideau de fer n’étaient pas doublés, aussi, une unique personne traduisait en direct tous les dialogues… ce qui était aussi une manière de défier l’impossible.

~ par 50 ans de cinéma sur 2 août 2018.

Laisser un commentaire