Queimada, 1969
Gillo Pontercorvo
1815. Sir William Walker, un agent secret anglais, débarque dans une île imaginaire des Antilles nommée « Queimada ». Il fomente un soulèvement du peuple noir et installe au pouvoir un mulâtre. L’objectif de l’agent Walker est clair : rompre le monopole commercial du Portugal avec son exploitation massive de la canne à sucre et renverser le pouvoir au moyen d’une guérilla sanglante…
De l’intellectuel communiste Pontecorvo, on ne pouvait attendre qu’un western zappatiste transposé aux Antilles.
Le western est bien là, et il a fière allure, se déployant dans un univers peu représenté au cinéma, tout en fièvre et en couleurs saturées.
Toutefois, le cinéaste n’oublie jamais que l’Histoire a été construite par des scélérats. Au fier et noble José Dolores, réincarnation de Spartacus à la peau noir, s’oppose la rondeur fielleuse d’un aventurier anglais, lequel (western oblige) se fait ami des indiens avant d’en provoquer le massacre.
Marlon Brando, à l’époque au premier rang des luttes pour les droits civiques des noirs et des amérindiens, apporte toute sa séduction matoise à ce personnage fascinant.
Pontecorvo filme les premiers germes de la décolonisation de ce que l’on appelait pas encore le Tiers-Monde. Il leur donne des allures de fresque, aidé par les moyens d’Alberto Grimaldi (producteur qui a prouvé ses compétences dans ce domaine) et par le cantique surpuissant composé par Ennio Morricone (pourquoi l’ONU ne lui a jamais commandé un hymne?).
Comme l’histoire, l’aventure est tragique et la caméra ne cille pas devant l’horreur (et sur ce coup, pas de querelle éthique), mais elle est également picaresque et mystérieuse, tel un western sublimé de vapeurs vaudou.