Qui l’a vue mourir ? 1972

Chi l’ha vista morire ?

Aldo Lado


La fille d’un sculpteur vénitien est assassinée. Ce meurtre fait écho à un précédent meurtre d’enfant et révèle les turpitudes de plusieurs notables.

En présentant le film, le référent bis de la cinémathèque, l’excellent Jean-François Rauger, insistait sur son statut de chef d’oeuvre.
C’est toute l’ambiguïté des amateurs de gialli qui érigent l’objet de leur passion au rang de grand art, quand c’est justement leur impureté originelle qui a suscité cette passion.
D’ailleurs, le présent métrage intégrait la programmation bis de la Cinémathèque, sa juste place selon moi.
De même, ne fait-on pas porter de trop lourd honneurs sur les épaules de l’artisan Aldo Lado. Lorsque Macha Meryl met en avant qu’elle a tourné dans 2 grands films d’horreur : « Profondo Rosso » et « Le dernier train de la nuit », je m’autorise à penser que le premier vaut un peu mieux que le second.
Il ne s’agit pas de bouder les plaisirs vénéneux que nous ont offert les petits maîtres italiens des années 70, mais de rééquilibrer les engouements cinéphiles.
Ainsi, « Qui l’a vue mourir ? » n’évite pas certains écueils communs au genre : distribution internationale peu concernée (le mono James Bond, George Lazenby, et la scream queen Anita Strinberg n’émouvront personne en parents endeuillés), enquête laborieuse et intrigue incohérente.


Reconnaissons alors le talent indéniable de Lado pour nous emporter malgré tout dans cette sordide histoire d’infanticide.
Tout d’abord, le cinéaste s’empare de Venise comme d’un organisme en décomposition, lequel procure une sensation inégalée de terreur boueuse.
La cité des doges, sous la caméra de Lado, se transforme en village, fait de passages secrets où l’on retombe sans cesse sur les mêmes ruelles sombres ou places humides. Dans le même mouvement, le réalisateur s’empare habilement des particularités d’un cité lacustre, dans laquelle la proximité se révèle souvent inatteignable sans plonger dans les canaux verdâtres.
Mieux, le réalisateur de « Je suis vivant! » maîtrise les gammes du giallo. Il multiplie à souhait les gros plans sur des objets fétiches, n’oublie jamais de débuter ses séquences par des amorces saillantes qui menacent de faire saigner directement le cadre et propose quelques envolées de poésie morbide, la plus belle résidant dans une gigantesque cage à oiseaux.
Il reste un dernier point qui pourrait contredire mes propos initiaux et faire basculer une bonne série B vers le grand art : la Cinémathèque présentait le film à l’occasion d’un hommage à Ennio Morricone.
Ceux qui ont déjà entendu les contines tordues entonnées par une chorale d’enfants fantômes qui constituent la bande originale de « Qui l’a vue mourir? » savent que dès lors, le mot chef d’oeuvre n’est plus galvaudé!

~ par 50 ans de cinéma sur 6 décembre 2018.

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