Grave, 2017

Julia Ducourneau


Ce qui est grave, c’est le profond trouble que subit Justine, jeune femme végétarienne qui entreprend des études vétérinaires. Ce qui est grave, c’est l’univers sadique dans lequel elle plonge, graves seront les conséquences.
Sur les photos, ça le faisait grave aussi : une cinéaste belle et brillante, apparue d’un seul coup (de maître) avec un film fascinant et dérangeant qui a séduit des festivaliers du monde entier, réalisant le grand écart entre Cannes et Fantastic’art, sans effort.
On avait presque un petit pincement au coeur lorsque Julia Ducourneau semblait dédaigner l’appellation de film d’horreur.
Au fond, on la comprend.
Pascal Laugier lui-même se lassait récemment de s’entendre défini comme un cinéaste de genre.
On ne lui donne pas tort non plus, lassé par les échecs tricolores dans ce domaine.
Alors quand survient un film français sexy et répugnant qui marie le sang et les phéromones, on se dit que, oui, il s’agit de bien autre chose que d’un film d’horreur. Même si pour complimenter Julia Ducourneau, on aimerait lui dire que son film constitue le seul héritier digne des « Yeux sans visage » de Franju (en exagérant à peine).
On s’y croirait pourtant, tant la mise en scène manie parfaitement la répulsion et la peur, l’atmosphère et les chocs, tant les corps se tordent et les chairs s’ouvrent.
Si la réalisatrice maîtrise bien les silences mortuaires, Jim Williams lui offre néanmoins une superbe bande originale dont les thèmes principaux semblent déclinables à l’envie pour des suites potentielles, c’est à dire que l’on pense aux scores de John Carpenter, des Gobelins ou de Pino Donaggio.
Laurent Lucas, qui fait désormais office de figure paternelle pour les cinéastes différents, semble s’en amuser, lui dont la présence aiguille vers une influence auteuriste (comme Joana Preiss, la mère) mais dont le corps se révèlera couvert de plaies dignes d’un épisode de « Hellraiser ».
Car « Grave », malgré son univers réaliste et froid, sa fac de béton et ses bizutages brutaux, distille un humour parcimonieux mais corrosif.
Ce rire tordu s’incarne dans la performance magnifique de la très jeune Garance Marillier, fragile et dangereuse comme une héroïne de manga.
Le terme de performance est, pour une fois parfaitement adapté, tant l’osmose cruelle entre la cinéaste et son actrice relève du body art.
S’il est un film que nous rappelle « Grave », c’est alors « Dans ma peau » de Marina De Van, autre oeuvre limite sur le corps au féminin avec beaucoup de sang et un profond don de soi dans l’incarnation.
L’horizon se déploie vers la vidéo expérimentale, le documentaire d’investigation, l’actionnisme… ce qui ne m’empêchera pas, in fine, d’y voir également les traces du slasher et de Lucio Fulci!

~ par 50 ans de cinéma sur 16 août 2018.

2 Réponses to “Grave, 2017”

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