Mary Reilly, 1996
Stephen Frears
Répondant à une commande périlleuse ( réaliser un véhicule pour la star Julia Roberts à partir d’une variation sur « Dr Jekyll & Mr Hyde »), Stephen Frears ignorait qu’il se retrouverait capitaine sans boussole d’un bateau livré à la tempête. « Mary Reilly » fait, en effet, partie de la boîte noire d’Hollywood. De blockbuster assuré en 1994 (la dream team des « Liaisons dangereuses » autour de « Pretty woman » pour un film d’horreur gothique, après le succès du « Dracula » de Coppola), il s’est retrouvé bide de l’année en 1996 suite à un tournage chaotique, constitué de constantes modifications de scripte et d’une valse de producteurs.
Rien de tout cela ne paraît à l’écran et l’on en saura gré à la classe british de Stephen Frears. Par ailleurs, « Mary Reilly » est un bijou !
Au roman de Stevenson, les scénaristes ont apporté un regard. Celui de la jeune domestique du savant fou. Cette adaptation est envahie de pulsions sadiques fascinantes. Mary découvre progressivement les agissements de son maître et, étrangement, toute cette monstruosité ne la rebute pas vraiment. Enfant pauvre des quartiers misérables de Londres, elle a déjà rencontré le Mal à de multiples reprises et a appris à vivre avec. L’objet d’attirance/répulsion n’est donc plus le médecin transformiste mais une jeune femme mutique dont le corps fragile porte les marques de ce qu’elle a enduré durant sa jeune vie.
Frears utilise ses grands moyens avec une intelligence rare. Les décors créent un labyrinthe retors où la conscience et le refoulé se télescopent régulièrement. Philippe Rousselot compose une lumière poisseuse qui absorbe les éclats de violence pour les magnifier en ambiance mortuaire. Surtout, il filme sa vedette si cher payée comme une madone roselinienne.
Julia Roberts n’a jamais été aussi belle.