Morgan, 1966

Karel Reisz

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Le publique français aime le cinéma anglais. Ce n’est pas mon cas. Je me sens proche des provocations de Truffaut à ce titre. Bien sûr, je révère certains sujets d’Albion : Chaplin et Hitchcock par exemple, des cinéastes qui n’ont pratiquement pas fait de films anglais.
Par contre, je me sens attiré par un courant que je connais mal, le free cinema. Parfois, dans les boîtes à suggestion de festivals, je glisse l’idée d’une rétrospective Lindsay Anderson, d’une intégrale Tony Richardson.
Finalement, je n’aurai vu que des reprises de Karel Reisz, l’immigré tchèque du groupe, qui pour moi, aura donc réalisé un grand film anglais, nommé « Morgan ».
Se confirme une intuition selon laquelle les grands films britanniques sont dus à des étrangers (« Fahrenheit 451 » de Truffaut, « Providence » de Resnais, « Esther Kahn » de Desplechin ou « Bronson » du danois Winding Refn…).
« Morgan » est politiquement ironique, drôle et pétillant. Fort bien joué, il se joue des conventions (visuelles, narratives, bourgeoises…) tout en jouant le jeu du divertissement malin. C’est un film anglais.
Je crains, pourtant, qu’il ne me soit jamais resté en mémoire s’il n’était emprunt de l’absurde angoisse et de la mélancolie propre à la Mittel Europa où est né son réalisateur.
Lorsque David Warner se déguise en gorille pour agacer la belle Vanessa Redgrave, c’est Freud qui rencontre Tarzan. Lorsque le jeune homme se voit poursuivi par une statue de Staline, c’est le même Freud que consulte « Le dictateur ».
C’est aussi un paroxysme d’angoisse et de solitude.
Le ridicule costume de singe n’autorise Morgan qu’à faire peur et à se casser la figure dans une maison qui n’est plus la sienne, pauvre quadrumane dans un monde lisse et droit. Le cache cache avec Staline se déroule dans la décharge d’un ferrailleur comme si les spectres du XXe siècle appartenaient déjà à la légende de peuples qui les imaginent en figures comiques, définitivement relégués dans l’inconscient collectif.
Or, si le fou Morgan souffre, c’est bien de se rappeler que les fantômes comme les sentiments résistent à la modernité.

film-morgan6

~ par 50 ans de cinéma sur 30 octobre 2014.

Une Réponse to “Morgan, 1966”

  1. Hello F.X ! Je me dois de venir défendre le cinéma anglais ! Que fais-tu de David Lean, Carol Reed, Jack Clayton, Terry Gilliam, John Boorman, et même certains Michael Powell ? Et encore d’ Alan Parker, Ken Loach, et même du peu prolifique Alan Clarke ? Sans parler de certains des meilleurs Losey qui sont sans aucune controverse possible classés dans le cinéma anglais comme Accident ? Et je m’arrête là (enfin pas vraiment) car la liste est interminable des cinéastes, certes non nés en Angleterre mais dont les films sont absolument anglais (Polanski avec Cul de sac et Répulsion, Ivory, Antonioni et son Blow up, Kubrick et L’orange mécanique, Pawlikovski et A summer of love) Maintenant je m’arrête !
    En tous cas merci pour ce billet sur Morgan que je n’ai jamais vu et que tu me fais découvrir (et pour tout ton blog toujours intéressant !)
    HM

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