Vénus noire, 2010
Abdellatif Kechiche
A la lecture de son pitch, « Vénus noire » faisait peur. Dans une France en pleine confusion, entre bonne conscience consensuelle et revendications communautaires, quel misérabilisme allait-il entonner ?
Bonne nouvelle, le 4e film d’Abdellatif Kechiche fait encore plus peur que ça !
Vénus ne sera pas sauvée par les indignés, encore moins par elle-même. La créature est filmée avec brutalité, notre regard n’en sera que plus douloureux.
Le dispositif scénique auquel nous soumet le cinéaste nous place dans la position malaisante de ceux qui voient tout (le spectacle et ses coulisses) mais ne comprennent rien. Le beau titre mythologique nous entraîne vers l’idée de l’intangibilité du mal. Bonne piste, mais le film n’est pas relativiste et n’oublie jamais qu’il raconte le destin d’une femme noire dans l’Europe du 19e siècle.
Le mérite immense de Kechiche est d’en faire un personnage de chair et de sang, à la fois proche et opaque, et non une icône des luttes anticoloniales. Sa caméra n’épargne personne et sa cruauté le rapproche parfois d’un Lars Von Trier (en moins ricanant).
Les indignés souffriront comme les autres.