La grande pagaille, 1960
Tutti a casa
Luigi Comencini
Les aventures en Italie du sous-lieutenant Innocenzi après l’Armistice du 8 septembre 1943.
Parmi les défauts des «Morfalous» d’Henri Verneuil, le plus redoutable pour le film est de débuter par une scène d’action spectaculaire pour ensuite n’offrir qu’une suite de saynètes comiques surdialoguées.
«La grande pagaille» dont le titre français donne faussement le ton, inverse la proposition. Les premières scènes portent à croire qu’Alberto Sordi, Serge Reggiani et leurs comparses sont les cousins transalpins des bidasses de la «7ème compagnie».
Ce film là n’est d’ailleurs pas désagréable. Comencini assure le rythme et le casting donne du geste et de la voix pour incarner un petit peuple que les italiens savent représenter comme personne.
Mais au fur et à mesure que les fins esprits Age et Scarpelli affûtent des aventures picaresques, le rire se teinte de peur et de tristesse. Le talent du duo de scénaristes comme du cinéaste fait que le rire se renforce de cette confrontation.
Comencini filme les cadavres et les ruines de la guerre, il observe un pays déchiré entre ses premiers résistants, ceux qui croient encore au fascisme et des foules prêtes à s’entretuer pour quelques poignées de farine.
Il s’agit de tragédie et d’horreur, d’une comédie où tout le monde meurt. Alors on rit, encore, parce que c’est peut-être la dernière fois, pour la survie, parce que le désespoir n’est jamais imperméable au ridicule.
Sordi apporte son regard lunaire au récit, survolant tous les drames en lâche céleste. Mais le film ne l’épargne pas non plus. Alors qu’il contemple la bataille finale depuis un clocher, il décide de plonger dans la furie en dépit de toute raison. Et le dernier plan de le figer mitrailleuse à la main, dans la fumée et la poussière…