Les amants du pont neuf, 1991
Leos Carax
Carax, le cinéaste que l’on adore détester ! Il l’a bien cherché. C’était le premier de la classe qui méprisait les premiers de la classe. L’élève élu (de Serge Daney en particulier) qui n’avait de cesse que de montrer qu’il s’en foutait. L’héritier de la Nouvelle Vague qui prétendait se mesurer au cinéma américain. L’auteur de films austères et arrogants comme lui… mais du talent à en mourir !Après 2 essais cultes mais au public confidentiel (« Boy meets girl » et « Mauvais sang »), le jeune cinéaste se retrouve dans une position inédite en France. S’offre à lui l’opportunité de réaliser une méga production dont il serait le seul maître. Carax aime la facilité, il se met en tête de suivre l’histoire d’amour de 2 clochards dans Paris et pour cela de réaliser une maquette grandeur nature du fameux pont-neuf.
La suite de l’histoire est connue, elle ressemble tellement à Leos Carax, l’artiste maudit par excellence, véritable Rimbaud du cinéma. De la tempête qui a ravagé le décors aux multiples banqueroutes des financiers, jusqu’au sauvetage inespéré par le producteur des Charlots… l’aventure est follement romantique et elle mériterait d’avoir son « In the heart of Darkness » (le documentaire sur le tournage halluciné de « Apocalypse now »).
Cependant, la pire conséquence de ce marathon cauchemardesque fut de faire oublier qu’un film était né de tant de sueur et de rage. Un beau film ignoré, réduit à un simple complément pour fait divers.
Or, « Les amants du pont neuf » existent. Ils sont de sang et de feu, misérables et sublimes, sales et furieux. Carax trouve l’équilibre miraculeux entre romance fiévreuse et romantisme morbide, et signe ainsi son meilleur film.