Chronicle, 2012
Josh Trank
Depuis que l’empire Marvel gère la programmation des multiplexes sur le long terme, nos regards de fans se font perplexes. Y’a-t-il tant de chose à raconter sur les superhéros? Le changement de tenue permettra-t-il d’oublier longtemps qu’il s’agit de la même trame?
Dans ses mémoires, Keith Richards se souvient de sa fascination pour le sériel «Captain Marvel» : l’histoire d’un péquin moyen qui se transforme en super caïd par la biais d’une formule incantatoire.
Tout y est résumé : une question de frustration, d’ambition, de transformation… et donc de puberté.
Dès que Peter Parker a embrassé Mary Jane, Sam Raimi n’a plus rien à raconter si ce n’est de boucler l’éternel récit oedipien (le bouffon vert, Dr Octopus comme artefacts de Dark Vador, lui-même incarnation pop ultime de la figure du mauvais père).
Les cinéastes qui s’en sortent font souvent autre chose : de la mythologie, de la cinéphilie (voir les 2 comme Del Toro et son merveilleux «Blade2»).
Ce qui ne s’en sortent pas, tentent de nous faire croire que ces amitiés adolescentes troublées par une girl next door et des rayons gamma, nous est contée pour la première fois.
C’est ce que l’on est tenté de reprocher au «Qu4tres fantastiques» de Josh Trank. Pourtant, mystère, l’échec du film est à prendre dans l’autre sens. Le début, le club des nerds, la jolie fille qu’aiment tous les garçons, constituent le coeur d’un film charmant comme un tube sucré mais que l’on se surprend à fredonner. C’est lorsque les enjeux dramatiques passent du groupe de copains au sauvetage de la planète et que les effets spéciaux prennent le pas sur les comédiens que le métrage s’écroule.
Cette forme d’échec laisse deviner un sacré talent de cinéaste, pas tout à fait à sa place, et pour cause, ce film il l’avait déjà fait et en bien mieux.
Lorsque «Chonicle» est arrivé sur nos écrans, la mode douteuse du found footage battait son plein. Le top du cinéma de genre consistait à se faire passer pour une bande amateur dénichée au fond d’une décharge… le bis avaient atteint la phase terminale du dandysme.
Certains grands réalisateurs ont tenté le coup et n’ont pu offrir que l’aveu contrit de leur fin de règne, tandis que les petits malins éclosaient, pour le bonheur des producteurs, avec des machins pas chers mais qui rapportaient gros.
Toutefois, nous avons appris que l’histoire du cinéma, en tant qu’art, était une histoire de la technologie, alors nous cherchions tout de même le chef d’oeuvre qui sortirait des camescopes.
Premier coup de maître : «Cloverfield». Fusion maligne du film de vacance et de la grosse production catastrophe, l’oeuvre de Matt Reeves dynamisait la seconde par la légèreté presque inconséquente du premier. Un divertissement brillant.
Rapidement, Hollywood tenta le coup avec les super héros.
«Chronicle» donc, où 3 ados tombent dans une flaque de slime et développent des super pouvoirs.
Première surprise, le cinéaste ne s’embarrasse pas de circonvolutions scénaristiques, tout ici est vitesse et légèreté, à l’image de ces gamins qui apprennent à voler et de leur journal vidéo filmé à l’arrache. Le spectateur se trouve face à une oeuvre adolescente plus que sur l’adolescence.
Mais comme nous en avons vu d’autres, nous attendons qu’elle soit rattrapée par ses contingences commerciales avec explosions et super vilains. C’est là que le film ose une accélération sidérantes en faisant de son héros potentiel (le gentils geek chétif dont nous suivons les «chroniques» filmées) un personnage faustien qui perverti les tables de la loi selon oncle Ben : si un grand pouvoir suppose une grande responsabilité, il permet aussi la plus totale irresponsabilité.
Aux séminaristes habituels, Trank oppose les pulsions et pulsations mal contrôlée de l’âge de ses protagonistes.
Même si tout rentrera dans l’ordre, le found footage prend soudain des allures punk et le cinéma de super héros se confronte pour une fois à son sujet : frustrations, transformations… et le monde d’après la catastrophe.
La légende veut que l’inspiration secrète du cinéaste résidait dans «Akira». On se prend alors à rêver d’un nouveau genre dans les multiplexes : le teen movie dopé au manga!
Le barème est indulgent.