Duel dans le Pacifique, 1968
Hell in the Pacific
John Boorman
Durant la seconde guerre mondiale, un aviateur américain échoue sur une île déserte de l’océan Pacifique, sur laquelle avait trouvé refuge un soldat japonais. Point.
Ce sera donc un huis-clos à ciel ouvert, avec les stars iconiques Lee Marvin et Toshiro Mifune, qui se haïront, s’allieront, se haïront à nouveau…
Une version de « Sa majesté des mouches » pour les adultes avec un duo pareil, voilà qui suffirait à nos appétits de spectateur.
Mais John Boorman fait mieux : il filme la jungle et le silence.
Werner Herzog raconte, dans ses carnets de tournage en Amazonie, comment sa chemise pourrissait littéralement sur lui. C’est la même sensation qui saisit devant ces 2 guerriers qui s’épient dans des mangroves inextricables, toujours les pieds dans la mer et les cheveux sous la pluie, tout en mourant de soif.
Le terrain de jeu est idéalement sombre et escarpé, et l’on peut imaginer que John McTiernan y a puisé quelques idées pour son « Predator ».
« Duel dans le Pacifique » ne compte pas de véritable scène d’action mais est innervé de cette tension de survie, où chaque geste pèse lourdement sur la destinée du personnage comme de son ennemi.
Par ailleurs, le cinéaste anglais propose un axe dialectique qui fait de l’incommunicabilité entre les 2 héros l’enjeu de sa mise en scène.
Dans un film américain standard, il est probable que le soldat japonais se mettrait à parler la langue de Shakespeare au bout de la première bobine. Un réalisateur un peu scrupuleux mais moins habile ferait en sorte que les 2 hommes se comprennent sans parler la même langue, dans une connivence tacite avec le public.
Pour Boorman, la question ne se pose pas : Mifune et Marvin ne pourront tenter de communiquer que par de longs et laborieux efforts.
Le moindre des sadismes auxquels il se livre n’est pas de filmer des monologues inutiles dans lesquels s’épuisent 2 militaires condamnés au malentendu.
Le duel se fait donc en silence, par regards prédateurs. Et aussi par la musique atonale de Lalo Shifrin qui rejoint les expérimentations de Jerry Goldsmith sur « La planète des singes »… une autre histoire de guerre et d’incompréhension…