Le sourire de ma mère, 2002
L’ora di religione : Il sorriso di mia madre
Marco Bellocchio
Ernesto, peintre reconnu et athée convaincu, apprend que sa famille effectue des démarches pour la canonisation de sa mère. Son entourage le pousse à participer aux cérémonies, le plongeant dans un labyrinthe mental qui constitue l’un des sommets de l’oeuvre de Marco Bellocchio.
Les bandes annonces américaines nous somment de nous prosterner devant leurs visionary directors. Ce terme désigne souvent des réalisateurs réductibles à un ensemble d’effets, voir de colifichets. On est bien loin de Bellocchio, et pourtant, sur le plan de la pure vision, l’italien se pose là.
Ancien marxiste dans les années 60/70 qui a donné de sa personne avec des documentaires engagés puis des oeuvres d’autocritiques sarcastiques, il a plongé dans la décennie suivante dans la psychanalyse jusqu’à utiliser la discipline sur ses tournages.
Tous les films de ces périodes ne sont pas des chef d’oeuvres mais ces 2 directions se sont souvent révélées fécondes pour le cinéma. A l’orée du nouveau millénaire, Marco Bellocchio s’est ainsi réinventé en digérant ses aventures passées.
Alors que le cinéma italien reste un sujet de tristesse pour le cinéphile, tous ses films depuis « Le prince de Hombourg» en 1997, sont passionnants, avec des pics très élevés comme «Buongiorno notte» ou «Vincere».
«Le sourire de ma mère» en est un.
Le résumé introductif est à la fois exact et, bien entendu, parfaitement insuffisant pour saisir le vertige de ce film en apesanteur.
Le cinéaste parvient à créer une Unheimlich cinématographique sans occulter les réalités d’un pays en proie à une confusion morale délétère dans ses différentes strates : Eglise liée à la Mafia, Etat atteint de corruption, société du spectacle se parant de l’apparence de la vertu…
Une drôlerie froide innerve le métrage, en particulier lorsque la mise en scène dévoile l’aspect grotesque de ses personnages les plus inquiétants.
Au milieu, Sergio Castellitto incarne, en funambule de génie, l’alter ego du cinéaste, perdu entre politique et psychanalyse.
Au détour du dédale diégétique, il se trouve face à face au gigantesque portrait, qu’il n’a jamais peint, de sa mère. Un instant de cinéma fulgurant qui fait écho de manière intime à ceux où Bellocchio avait capté la mort d’Aldo Moro et le crépuscule de Mussolini.