La clef, 1983
La Chiave
Tinto Brass
Si internet nous a appris quelque chose, c’est que nous n’étions pas seul avec notre sexualité. Que l’on s’enorgueillisse d’être un esthète érotomane ou que l’on se considère comme la victime de perversions honteuses, d’autres, partout dans le monde, de tous les âges s’adonnent à nos passions cachées.
Mis en image, cela peut faire très mal : cela s’appelle la pornographie et nous ramène à la profonde banalité de notre désir. De même, mis en mots, le trouble le plus intense flirte souvent avec le sordide, alors que vécu on peut appeler cela de l’amour.
Voilà pourquoi avait été inventé l’érotisme.
Las, ça n’a pas marché. Je rejoins Catherine Breillat lorsqu’elle méprise l’érotisme au profit de la pornographie, moins hypocrite (et pourtant…).
Le cinéma érotique se sera donné pour tâche de faire miroiter les fantasmes sans les trahir par un passage par le réel. Mais les rêves de ce cinéma sont singulièrement pauvres et ne cessent d’affadir leur potentiel d’évocation.
Pour réussir un film érotique, il faut un (ou une) véritable érotomane, qui sait, qui connaît la réalité des fantasmes et le péril comme l’excitation de les réaliser.
Je ne connaît pas l’oeuvre de Tinto Brass (vu «Salon Kitty» grosse production bis, un peu glauque) mais il me semble appartenir à cette trempe de réalisateurs.
«La clef» a été multidiffusé au milieu de programmes érotiques des plus médiocre. Les spectateurs cultivés aiment s’y pencher pour son aspect film d’auteur un peu canaille (la belle Stefania Sandrelli prenant le risque de choquer le bourgeois).
Il me semble que le métrage recèle bien d’autres secrets aptes à séduire le cinéphile.
En suivant le double journal intime d’un couple de libertins, Tinto Brass croise les regards et les frustrations et parvient à troubler durablement, c’est à dire sur la durée du métrage (et non pas par séquence) et même au-delà de sa vision.
Evidemment, film érotique oblige, plusieurs flashs restent en mémoire, comme des scènes chocs. Mais ces scènes ne cessent de se répondre entre elles et parviennent ainsi à prendre une réalité presque… pornographique.
Au début du film, Sandrelli se rend dans un cinéma polisson et regarde une histoire de voyeur avec trou de serrure. A ce moment, à travers ses regards lascifs, nous avons su que nous nous étions compris…
~ par 50 ans de cinéma sur 9 mars 2017.
Publié dans 1980's, 1983, Drame, Italien
Étiquettes: Barbara Cupisti, Franco Branciaroli, Frank Finlay, La chiave, La clef, Stefania Sandrelli, Tinto Brass