Les aventures d’un homme invisible, 1992
Memoirs of an invisible man
John Carpenter
Après les détours bis/intellos de « Invasion Los Angeles » et « Prince des ténèbres », Carpenter retente le coup de la grosse production de studio.
Tout cela pour raconter l’histoire d’un yuppie qui devient invisible suite à une fuite dans une usine de produits chimiques… Tout cela pour un remake du classique de James Whale, tout cela pour un bide de plus.
Pourtant, Big John avait fait des efforts : il ne cadre pas en CinémaScope et ne signe pas la bande originale… une manière de se rendre invisible, nous y reviendrons.
Autre bizarrerie : le rôle principal échoit à Chevy Chase, ancien comique du Saturday Night Live, plus coutumier des pitreries de John Landis que des westerns gothiques.
Pour Warner Bros, l’enjeu consistait à se placer dans la course aux effets numériques que James Cameron venait de développer et que Spielberg imposerait l’année suivante avec « Jurassic park ».
Sur ce plan, le cinéaste ne vole pas ses producteurs, proposant des scènes inspirées autour des multiples disparitions/apparitions du personnage principal. Il déploie une virtuosité discrète, toute en détails, dans la captation des traces de celui que, pas essence, on ne peut pas voir.
Nous sommes toutefois bien loin des desperados en cuir ou des psychopathes masqués.
A leur place, John Carpenter filme un commercial quadragénaire, amateur de jazz, dont tout le monde dit qu’il était invisible bien avant sa transformation.
La vision de Chevy Chase au piano durant un cocktail nous inciterait à penser que le réalisateur de « The thing » a succombé à la tentation du film lounge. D’ailleurs, pourquoi pas? Cela lui permet un discret hommage à son idole Howard Hawks qui a filmé John Wayne en Afrique mais aussi Cary Grant en pleine régression infantile.
Un artisan de Major, un metteur en scène classique et, forcément on y pense, un artiste invisible?
Pas si simple, car derrière un pitch de comics book, se révèle un personnage traqué, fragile (les automobilistes ne le voient pas), dont le pouvoir se fait fardeau (obligation de se maquiller pour dialoguer avec la femme aimée).
Lorsque l’homme avoue qu’il ne peut pas dormir car il voit à travers ses paupières fermées, le spectateur découvre un projet retors. Après avoir filmé l’obscurité pendant tant d’années, jusqu’à s’y être littéralement plongé (dans le bien nommé « Prince des ténèbres), Carpenter fait mine de filmer un univers de soap opéra mais dans lequel la lumière serait la malédiction ultime.
Dans « Invasion Los Angeles », le héros découvrait la réalité derrière les apparences grâce des lunettes de science fiction. Ici, c’est à travers la désagrégation de sa propre image que le personnage découvre l’envers du monde dans lequel il évolue.
Le cinéaste peut alors filmer sa créature comme un masque kabuki percé de larmes, lorsque seule la pluie peut esquisser son visage.
Il prouve qu’il aurait pu être un grand nom du Hollywood classique.
Ce remake est en fait l’autoportrait le plus malin qu’il ait jamais livré : artiste invisible ? Génie derrière l’image!