Le plein pays, 2010
Antoine Boutet
Au début, un homme sort de terre pour, ensuite, emporter la caméra dans une fuite hallucinée, marquée par un monologue incompréhensible. Seul contre tous, mais nous ne sommes pas chez l’espiègle Gaspard Noé.
A ce que l’on sait, « Le plein pays » se présente comme un documentaire. En en sortant, on ne saura pas grand chose sur l’homme… mais peut-être un peu plus sur nous-même.
La vidéo strip-tease se fait craindre par ces images d’un pauvre fou, à la fois oracle du monde 2.0 et débile savant. Toutefois, dans un format beaucoup plus bref (moins d’une heure), Antoine Boutet retient les leçons de Frederic Wiseman. Patience et filmage à hauteur d’homme assurent l’éloignement du cynisme et du pittoresque.
Le réalisateur prend même le soin de sous titrer le patois de son homme des bois. Que dit cet homme? Il parle d’amour à Brigitte Bardot et chante des cantiques sur un magnétophone rustique. Surtout, il tient à hurler l’urgence de ne plus se reproduire. Trop de monde, trop de conneries! On pourrait trinquer avec lui, mais avouons qu’on en serait encore à sympathiser avec le débile savant.
Au troisième tiers du métrage, l’homme entraîne celui qui le filme dans le gouffre dont il s’était extrait au début. Suivent des plans d’une beauté stupéfiante. Quelque chose de jamais vu se dessine dans ces images tantôt cocasses (l’hurluberlu se coince entre les parois étroites des boyaux qu’il visite), tantôt spectrales (on peu penser qu’un prochain jours, il n’en sortira pas). L’homme qui exècre l’idée de conception nous emmène aux origines, dans la grotte sombre de nos inconscients où des pierres conservent les gravures maladroites d’humains disparus depuis longtemps.
C’est alors que l’homme des profondeurs se fait oracle pour ceux qui favorisent la camera obscura pour tout contact humain.