Los salvajes, 2013
Alejandro Fadel
Et si l’expérimental était devenu le genre ultime?
Pablo Trapero produit le film d’Alejandro Fadel et avait lui même commencé à poser la question avec son polar contemplatif «El bonaerense». Toutefois, c’est à un autre cinéaste argentin que l’on pense : Alejandro Alonso.
Ici aussi, il sera question d’espace et de temps, travaillés pour atteindre l’illusion de l’infini. Or, ces mots nous les avons déjà lu, prononcé et même écrit, souvent pour un genre, toujours pour un cinéaste. «Los salvajes» est un film d’art et essai, mais notre vocabulaire et notre grille de lecture nous ramène inexorablement au western et à Sergio Leone.
On pourrait donc voir le long métrage de Fadel comme la version désossée du «Bon, la brute et le truand». Tarantino a emmené le western spaghetti dans les multiplexes, Fadel semble le dévier vers les galeries d’art. Comme un nerd qui ne saurait plus choisir entre Apichatpong Weerasethakul et la tête d’Alfredo Garcia.
Cette étrangeté opère une séduction immédiate dont on se méfie rapidement, puritain que nous sommes. Pour revenir au temps et à l’espace, il faut donc laisser «Los salvajes» se déployer, observer la pampa et l’attente de son groupe de délinquants juvéniles en fuite. Ce qui revient, fondamentalement à mesurer le film avec les ingrédients du cinéma en s’éloignant des références et des rumeurs de festival.
Nous comprenons alors que nous sommes de mauvais spectateurs. Le cinéaste, à force de filmer le désert et ses personnages qui s’y perdent, finit par cartographier une terre de cinéma qui lui est propre.
Afin de marquer définitivement ce territoire d’auteur, il conclut le métrage par une séquence hallucinée qui célèbre la fusion de la terre, de la chair et des flammes numériques.
Ce qui revient à celle du documentaire avec la série B et la peinture.