Les nains aussi ont commencé petits, 1968
Auch Zwerge haben klein angefangen
Werner Herzog
Derrière ce titre idiot (qui est bien l’original!), se cache une possible note d’intention pour l’oeuvre à venir.
Déjà, en effet, se profile l’idée que rien ne s’accomplira dans la facilité.
Herzog a commencé petit parce qu’il s’est toujours battu avec plus grand que lui. Chaque film semble, d’ailleurs, pour le cinéaste l’occasion de rappeler la modestie de sa position de départ, que ce soit celle d’un conquistador à la poursuite de l’Eldorado ou d’un comédien se prenant pour un ours.
La plupart de ses oeuvres rappelleront, également, à quel point le panache est grand d’accomplir sa tâche en commençant petit.
Toutefois, ce titre de comédie cache, le regard sans concession du réalisateur allemand.
« Les nains » est une oeuvre monde, un univers que l’on imagine largement créé en amont du film. Sur une île fictive, une communauté de gens de petite taille a été rassemblée. Les motifs sont flous, expérience sociologique, univers carcéral… il s’agit surtout d’un laboratoire esthétique (dont Harmony Körine saura se souvenir, 30 ans plus tard).
Le malaise nous contamine rapidement, des drames se jouant dans un noir et blanc poisseux, mais surtout, Herzog ne filme pas à hauteur de ses personnages.
La caméra est tenue par un opérateur de taille normale. Le cinéaste ne cherche pas à jouer de proximité ou d’anthropomorphisme nauséeux. La singulière étrangeté des êtres lui est plus chère que l’uniformisation. Que les sentiments soient universels est une autre histoire.
La carrière de Werner Herzog se pliera souvent à cette posture, un homme avec une caméra cherchant à capter la réalité d’un homme différent : aborigène, schizophrène, lilipution, scientifique, Klaus Kinski…
Loin de la parade de « Freaks », le cinéaste semble murmurer je suis avec vous mais je ne suis pas des vôtres…