eXistenZ, 1999
David Cronenberg
Nous le connaissions porté sur l’humour noir au trait incisif, nous le découvrons potache. Y a-t-il un virus dans la neuromatrice ? David Cronenberg fouille ses archives et les transforme en carnaval ! Rarement métrage du canadien ne se sera présenté de manière si décontracté. « Videodrome » avait inventé le virtuel au cinéma. 20 ans après, il n’y a plus qu’à s’amuser avec le sujet.
C’est, bien sûr, là qu’il nous piège.
Sous ses allures de série B old school avec ses twist scénaristiques en rafale, ses mercenaires cheaps et ses monstres en plastique, il n’est pas exclu que « eXistenZ » soit très sérieux. Un combat sous-terrain s’y livre.
A l’époque de « Videodrome », le cinéma avait la partie facile. Les jeux vidéo consistaient à toucher un point avec une barre, les effets spéciaux se réalisaient à même le plateau, Internet était encore un secret militaire. Un cinéaste pouvait représenter la guerre des images à partir de la rhétorique propre à son art.
20 ans plus tard, le fantôme est dans la coquille, l’image numérique est sortie des abysses, Super Mario et Lara Croft ont écorné les mythes de chair et de celluloïd. Les cinéastes tentent les effets high tech, introduisent un artefact d’interactivité dans des histoires figées, bossent sur les jeux qui sortiront en même temps que leur film avec un rendu visuel équivalent (plus pour longtemps)… la débandade camarades !
Quelque part, nous guettions tous un geste de l’homme de « Videodrome ». Cronenberg a répondu présent. Il livre bataille détendu donc, mais avec rigueur. Son tour de force est de réaliser un film sur le virtuel sans image de synthèse, uniquement avec… du cinéma. Le passage d’un monde à l’autre se fait en un changement de plan. Le cinéaste réactive alors la puissance des armes du 7e art : mise en scène, montage, cadre, composition… Il rappelle malicieusement que l’image de cinéma est déjà un univers virtuel qui dépasse ce qu’elle montre, qu’elle n’est qu’un cache apposé sur une réalité parallèle. Pour vaincre, il prouve : chaque coupure de montage crée un nouveau rhizome dans le labyrinthe cérébral de ce somptueux « eXistenZ ».
Nous attendions un geste de cinéaste, c’est l’affirmation d’une suprématie !