Nazarin, 1958
Luis Bunuel
Enfant, j’avais été impressionné par «Monsieur Vincent», le film de Maurice Cloche consacré à Saint Vincent de Paul dans lequel Pierre Fresnay incarnait le saint en question, connu pour avoir vécu dans le dénuement et consacré sa vie aux pauvres.
Le catholicisme naïf convenait à une vision enfantine dans laquelle se cachait une sorte de radicalisme sulpicien : un homme christique, des gueux reconnaissants, des bourgeois ingrats…
Ce fond de christianisme binaire, la cinéphilie me l’a ramené par le biais du cinéaste le plus ambigu autour des questions divines.
Bunuel filme Francisco Rabal, tout en regards torturés, dans le rôle du père Nazario. Le personnage est une sorte d’idéal de chrétien marxiste : prêtre libre penseur, il préfère la compagnie des humbles à celle des prélats jusqu’à couvrir les criminels, jusqu’à devoir fuir et cacher son identité d’homme d’église… laquelle ne peut que rejaillir lorsque la souffrance humaine croise sa route.
Alors Bunuel cynique, prenant un malin plaisir à pousser l’homme de foi vers les extrémités de son sacerdoce ?
Pas si simple.
Don Luis a érotisé un crucifix dans « Viridiana », emmené des pèlerins dans l’univers absurde de «La voie lactée» ou encore ridiculisé quelques moines dans «Le fantôme de la liberté». Toutefois, quelque chose de trop sérieux est ici à l’oeuvre. La caméra accompagne la piéta de Nazario sans moquerie, avec respect et même fascination, quitte à ce que ce soit la fascination de l’artiste envers les fous qui empruntent les chemins de l’impossible.