La rivière rouge, 1948
Red river
Howard Hawks
Lors de la première vision, des gens de grand talent sont venus phagocyter mon rapport au cinéma de Hawks.
Le génie recycleur de René Goscinny tout d’abord : le western minéral en noir et blanc ne semblait constituer qu’un squelette pour les aventures de Lucky Luck qui avaient bercé mon enfance (cf «La caravane», 1962).
Les guitares électriques de Morricone et le scope de Leone, ensuite : pour un fan de cinéma italien, le cadrage 1,37 devient une contrainte, de même que la représentation de la violence. Elle aurait du être rouge de sang cette rivière…
Heureusement, en revenant vers Tom Dunson, Matthew Garth et leur convoi de bétail, j’ai réalisé que Howard Hawks n’avait pas besoin de scope pour inscrire son aventure dans la grande Histoire de l’Amérique et créer ainsi de la mythologie cinématographique.
Remplacez les boeufs par du pétrole, et vous obtiendrez un brûlot politique !
Encore plus fort, il compose une oeuvre freudienne où la seule femme subit le sort habituellement dévolu aux hommes en passant une partie du film le bras en écharpe dans une castration symbolique. Manière de laisser le champ libre à Wayne et Clift (le père castrateur et l’orphelin rebelle).
Pour filmer ce duel, Hawks n’a pas besoin non plus de guitares éléctriques.
Le duke incarne un pur méchant, concentré de folie totalitaire face à Monty Clift, déjà torturé entre ses passions et son devoir.
Le final consensuel ne trompe personne : le film ne se termine pas sur une accolade fraternelle mais quelques minutes auparavant sur un père fou, prêt à marquer au fer rouge le fils qui lui résiste.