L’homme qui venait d’ailleurs, 1976
The man who fell to Earth
Nicolas Roeg
La mise en scène toute en ellipses de Nicolas Roeg était faite pour la science-fiction. Là où beaucoup de ses collègues tentent avec application d’illustrer voir d’expliquer les concepts les plus extravagants, l’anglais imagine une structure rhizomique qui déploie l’imaginaire autour du roman de Walter Stone Tevis.
Rares sont ainsi les films à procurer des sentiments aussi mystérieux que les écrits de Bradbury, Vonnegut ou Philipp K Dick.
Toutefois, le métrage élargie le champs du genre grâce à son atout maître : la présence de Bowie.
Le Thin White Duke n’a pas toujours été bien servi au cinéma, et l’on préfère se souvenir aujourd’hui de ses expérimentations dans les clips ou de ses apparitions, terme qui lui convient le mieux (quelques minutes magiques dans «Le prestige» de Nolan, quelques secondes glaçantes dans «Twin Peaks).
Finalement, le seul rôle à la mesure de l’idole est un rôle d’icône: Un prisonnier androgyne mutique chez le maître de cérémonie Oshima, ou littéralement un «homme qui venait d’ailleurs».
Dès lors, Roeg ne peut se contenter de raconter l’histoire d’un starman fuyant une planète asséchée pour s’emparer de l’eau des humains.
Trop ailleurs, trop strange, Bowie demande plus. Il sera donc, en plus, un milliardaire à la «Citizen kane» et une représentation christique… c’est à dire une rock star.
La science-fiction souffre d’une propension au kitsch. Roeg n’élude pas le problème, mais à l’aide de son acteur mutant, dévie le genre vers un psychédélisme doux et la mise en abîme à tiroirs.
Ainsi, à l’homme aux yeux vairons est associée une histoire de regards complexes (les doubles foyers de Buck Henry, les lentilles du martien).
Et, pour finir, perdu par l’avidité du public, loin de sa station et de la vie sur Mars, l’homme qui venait d’ailleurs ne pourra communiquer avec la femme qu’il aime qu’en composant un disque.