La grotte des rêves perdus, 2011
Cave of the forgotten dreams
Werner Herzog
Entre 2 séjours aux Etats-Unis, le cinéaste/citoyen du monde va s’enterrer dans le sud de la France. Après avoir filmé des reptiles possédés («Bad lieutenant») et avant de rencontrer un homme condamné à mort («Into the abyss»), Herzog va filmer quelques peintures rupestres.
Le défi n’est pas moins beau, pas moins herzogien : «La grotte des rêves perdus» est une caverne préhistorique condamnée à être scellée pour préserver les oeuvres gravées en son sein par les premiers hommes.
Avec modestie et finesse, le réalisateur s’infiltre au milieu des archéologues et paléontologistes et observe les derniers instants d’une lumière venue des origines. Il décide d’utiliser la technologie 3D pour capter la sculpture de la roche et les tableaux de boue. Idée géniale, cela lui permet d’imaginer 2011, l’odyssée de l’histoire de l’art.
L’homme préhistorique a choisi un cadre typiquement romantique (une grotte au pied d’une arche naturelle majestueuse)? Il trouvera des échos dans l’oeuvres du romantique allemand par excellence. Il a peint en suivant les reliefs de la roche? La caméra numérique en fera autant, joignant ainsi le geste du premier artiste à la pensée de Platon. Cette 3D englobante formalise de manière troublante la forme de la caverne dans la salle de cinéma. On jurerait alors qu’Herzog modèle littéralement la matrice du cinéma.
Entre les crânes de bêtes cristallisées, oeuvres d’arts et divinités extra-terrestres à la fois, les scientifiques découvrent une forme féminine mi sculptée mi peinte sur un stalactite. Cette femme a les formes généreuses de la maternité. «La grotte des rêves perdus» touche à cet instant au sacré.
Lorsque les hommes sortent du gouffre et que se referment, sans doute à jamais, les portes de ce temple naturel, nous avons conscience d’avoir vu un film formidable.
Mais avant le générique final, Werner Herzog se promène dans la campagne environnante pour découvrir une centrale électrique dont les eaux chauffées servent de réserve à des crocodiles albinos. Retrouvant ses chers sauriens, le réalisateur de «Aguirre» se prend à rêver que les animaux s’échappent pour rejoindre les rêves perdus de la grotte qu’il vient de quitter.
Peut-être parce que je partage la fascination d’Herzog pour les reptiles, peut-être parce que le grand cinéaste vient de résumer l’art et l’humanité, seul avec sa caméra à la main, j’ai compris que j’avais vu un film extraordinaire!