Le saut dans le vide, 1980
Salto nel vuoto
Marco Bellocchio
Une puissante table ronde trône dans l’entrée de l’appartement où vivent un frère et une soeur hitchcockiens (soit un magistrat infantile et obsessionnel et une dépressive hystérique).
Le duo trouble est interprété par Michel Piccoli et Anouk Aimée.
Les personnages font penser à Hitchcock mais le décor est éminemment kubrickien. Car cette table occupe l’espace comme l’écran tout en conditionnant le moindre déplacement des comédiens. Plus encore, elle semble se transformer en porte temporelle lorsqu’elle se trouve au centre de panoramiques qui se concluent en flash-back.
Autour de la table, se déroule une histoire d’adultes perclus de traumas, régulièrement visités par des enfants fantomatiques… symboles, symboles.
Bellocchio, à cette époque, commence à se passionner pour la psychanalyse. Il n’oublie cependant pas qu’il est un cinéaste italien.
«Le saut dans le vide» est profondément tragique et se fait parfois terrifiant mais il s’agit avant tout d’une farce bouffonne sur l’étouffement familiale et l’absurdité de la disparition.
La table, encore, si elle s’étale jusqu’à obscurcir l’image et bloquer l’entrée de la demeure, elle offre également un encombrant cercle, créateur de burlesque pince sans rire qui oblige acteurs et caméra à se prendre les pieds dans sa masse d’inconscient inerte.