Belle de jour, 1967
Comme beaucoup de films de Bunuel, j’ai toujours trouvé «Belle de jour» délicieux mais je n’étais pas sûr de comprendre, et, au final le doute subsistait : me suis-je fait avoir à trouver ce film si plaisant?
Bien entendu, je comprenais qu’il fallait prendre tout cela au second degré, que la belle Séverine évoluait ans le monde des fantasmes. Mais ne me fantasmais-je pas moi-même psychanalyste du personnage interprété par Catherine Deneuve?
En pensant adopter la bonne attitude, je me perdais d’avantage.
Une position satisfaisante fut d’accepter de ne rien comprendre et de se laisser porter par les tableaux que Bunuel tirait du roman de Joseph Kessel.
Mais cette histoire de jeune bourgeoise trompant son ennui au Bordel distingué de Madame Anais ne s’accommode pas d’une passivité rêveuse. Car, au fond, il s’agit bien de percer les mystères du désir féminin. Le réalisateur nous piège déjà avec cette question, car il est évident dès l’affiche que ce mystère nous restera à jamais insondable.
Plus sûrement, l’homme qui regarde «Belle de jour» tente de conjurer une phobie : une femme pure prend plaisir à s’avilir… tout en venant satisfaire un fantasme : celui où une femme pure prend plaisir à s’avilir…
Le regard malicieux de l’auteur de «L’ange exterminateur» passe dans les poses de Geneviève Page, géniale en maquerelle classe et désinvolte mais non dénuée de sens moral.
Les hommes passent, de Francis Blanche à Pierre Clementi, on ne s’identifie jamais, ce serait trop simple.
Lors d’une séance avec le docteur Melfi, Tony Soprano déplorait de ne pas avoir pu participer à un passage à tabac. Melfi l’avait alors regardé droit dans les yeux pour lui demander : pour battre ou vous faire battre?
Nous somme bien dans la pièce lorsque ces messieurs visitent leur Belle. Le regard de sphinx de Deneuve semble à chaque fois nous laisser le choix d’entrer dans le cadre. On serait presque tenté de lui murmurer que tout cela n’est que du cinéma, avant de réaliser que c’est bien ce qu’elle voulait dire…