Angel, 2007

François Ozon

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J’aime bien François Ozon lorsqu’il se met en danger.

Lui, le surdoué du cinéma français, a souvent essuyé le reproche de se protéger dans le théâtre de ses effets et de son petit talent.

Rappelons nous que le cinéma français a souvent été ingrat vis à vis de ses surdoués. Se penche-t-il encore sur les carrières de Jean-Jacques Beineix, Leos Carax ou Mathieu Kassovitz?

Prudent, Ozon a pris sa respiration puis plongé dans un marathon qui laissera ses détracteurs comme ses fans avec un constant retard.

Ozon, ce fut tout d’abord le nom d’un cinéaste aux films peu(in)visibles. Un type qui pointait régulièrement aux récompenses de courts métrages. Un auteur prometteur dont le premier long fut attendu comme rarement dans l’hexagone. Forcément, il déçut. Les mêmes qui louaient ses premiers essais lui ont reproché un esprit canal + à la provocation potache et puérile. Déjà, sa nécrologie artistique s’imprimait, celle d’un demi cinéaste qui n’aurait jamais dû proposer de successeur à son moyen métrage « Regarde la mer » (effectivement super, mais ce n’est pas la question). Déjà à côté de la plaque, je me souviens d’avoir apprécié son « Sitcom » comme un dérivé de l’esprit Mad Movies, une anthologie comme les offrait Yann Piquer dans les années 80, un petit frère au « Baby blood » d’Alain Robak. De la provo, du gore, du sexe… j’attendais la suite.

Pas au courant de la hype qui précédait « Sitcom », ladite suite ne m’a pas déçue : « Les amants criminels » confirmaient les tendances d’un réalisateur brillant tenté par le genre. L’essai restait à confirmer, mais, pour beaucoup, le cas Ozon n’était plus à défendre.

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Le jeune réalisateur a peut-être vu l’impasse dans laquelle risquait de s’engager  son cinéma, celle des filmographies sous influences, des artistes éternellement prometteurs. Il a donc suivi les préceptes de ses modèles Bergman et Fassbinder (voir Woody Allen) soit toujours avoir un film en projet sur le tournage d’un autre tandis que l’on assure la promotion d’un précédent.

François Ozon remplit donc son rôle de surdoué dans un cinéma français qui ne sait qu’en faire. Ayant déçu, il ne pouvait que ravir. Ce fut chose faite avec « Sous le sable » reconnu par tous. Elégant filmeur d’actrice, il s’offrit ensuite un coffre à jouets idéal avec « 8 femmes », gros succès au box office. Les films suivants, c’était fatal, n’ont presque pas été vus et se sont fait descendre par la critique. Ozon semble s’en moquer, ayant constamment 2 coups d’avance.

A ce jeu, il n’est pas toujours gagnant. L’homme se retrouve ainsi à enchaîner les avancées en terre inconnue avec les repli en territoire multi défrichés. A l’aventureux « Sous le sable » succède l’objet mode et vide « 8 femmes » puis l’exercice de style frigide « Swimming pool ». Paradoxalement, ce sont parfois les projets les plus intimes qui se révèlent les plus conservateurs formellement (« Le temps qu’il reste » et « Le refuge »).

Je n’ai aucune envie de dire du mal de François Ozon (le cinéma français compte trop peu de surdoués) mais je confirme que je le préfère lorsqu’il se met en danger.

Aujourd’hui, il tente le voyage au delà de la Manche, toujours rude pour les cinéastes français (qui traitent pourtant avec égard les comédiens d’Albion). Il se confronte surtout à un personnage too much, qui menace constamment d’engloutir le film. La pulpeuse Romola Garai incarne joyeusement une romancière de gare qui se voit en écrivaine de génie. Hystérique et fascinée par le kitsch, Angel se construit un monde à sa mesure, un Xanadu de pacotille que personne n’aura l’imprudence de percer à jour.

Malin, Ozon joue le gentilhomme qui n’est pas dupe mais reste sous le charme. Comme Tim Burton laissait croire à Ed Wood qu’il était un cinéaste visionnaire, Ozon reconnaît à son héroïne une puissance de représentation qui ne cesse de stimuler sa propre mise en scène.

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~ par 50 ans de cinéma sur 27 avril 2014.

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