Les uns et les autres, 1981

Claude Lelouch

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Défi : dire du bien de Lelouch !

Faire ce genre de liste expose à quelques écueils, minimes mais réels. Soit aboutir à une somme de films consensuels, genre copie idéale pour Bac ciné (il y en a, bien sûr) ; soit livrer une suite de combats perdus d’avance face à l’incompréhension de ses contemporains. Au choix, changer de liste ou devenir paranoïaque. Je choisis la paranoïa !

Et donc de placer « Les uns et les autres » parmi les 10 meilleurs films de l’année.

Claude Lelouch, c’est un fantasme de cinéma avant même d’être un cinéaste : faire un film vu par tous qui répondrait aux questions fondamentales de l’humanité, le film populaire absolu qui toucherait le cosmos (un peu comme chez Philipp K.Dick), bref le film de l’union entre tous les publics. Or, l’union, les cinéphiles ce n’est pas vraiment leur truc. Le cinéphile, c’est bien connu, ne pourrait faire parti que d’un club qui refuserait les gens comme lui.

Pourtant, Lelouch tente, sur plus de 30 films, ce pari impossible. Ce besoin compulsif de plaire et de passer, en même temps, pour un grand cinéaste, lui a valu la haine pure et simple de la critique française. Je ne comprends pas pourquoi. Car, s’il est vrai que cette attitude l’a conduit à cultiver de fréquents navets (dont malheureusement ses derniers opus), ceux-ci se révèlent assez inoffensifs. Pas de quoi rallumer la querelle de « Kapo » ou les scandales de Ferreri et Blier.

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Paradoxalement, en voulant incarner le centre du cinéma, Lelouch s’est retrouvé à la marge et à intéresser des cinéphiles non consensuels. On se permettra un premier coup de chapeau, eut égard au système Lelouch, celui d’un authentique indépendant. L’histoire du cinéma est faite de ces francs tireurs qui ont monté leur société de production, écrivent et montent eux-même leurs films et s’entourent d’une fidèle troupe de comédiens. C’est le cas de Lelouch comme de Charlie Chaplin ou de Steven Spielberg, d’autres réalisateurs aux rêves de globalisation.

Et puis, il y a les films.

L’absence totale de hiérarchie entre haute culture et culture populaire, sa volonté de les brasser systématiquement amènent Lelouch à être, je pèse mes mots, un cinéaste véritablement expérimental. Comme dans toute expérimentation, la réussite n’est jamais garantie. Lino Ventura, Charles Denner, Aldo Maccione, Jacques Brel et Charles Gérard plongés dans un scénario de BD qui les fait s’affronter aux chamboulements sociologiques des années 70, sur une musique de Johnny, cela donne le génial « L’aventure, c’est l’aventure ». Patricia Kaas, Jeremy Irons, Jean-Marie Bigard, Claudia Cardinale dans un roman photo world, cela donne le minable « And now ladies & gentlemen ».

Ce qui sauve les meilleurs films du cinéaste est son propre mélange de ruse et d’innocence, à condition que cette dernière l’emporte, in fine.

« Les uns et les autres » en est le parfait exemple. Le spectacle s’apprécie grâce au savoir-faire d’un réalisateur dont le regard a été souvent jugé publicitaire et lui permet de flatter l’œil de son spectateur. Il s’agit d’une saga familiale, sur plusieurs génération avec une multitude de personnages. Il s’agit aussi d’une vue en coupe de la France d’après guerre avec mélo et grand spectacle, casting étincelant et tentations de comédie musicale. Le tout est agencé avec une maîtrise qui suscita l’admiration jusqu’à Hollywood et il paraît difficile de bouder son plaisir.

Toutefois, si l’œuvre conserve, aujourd’hui, toute son ampleur, c’est probablement parce que Lelouch est profondément sincère

Le spectateur privilégié de ce gros feuilleton populaire, c’est bien lui !

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~ par 50 ans de cinéma sur 14 décembre 2013.

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