Bloody bird, 1987

Deliria

Michele Soavi

Réaliser son premier film à la mort d’un genre est la marque d’un certain romantisme morbide. A l’heure où j’écris, nul ne sais où ira la carrière de Michele Soavi. Personnellement, je ne demande qu’à voir un western ou un giallo de la part du délicieux Michele. Ce qui est sûr, c’est que ses débuts furent marqués par le chant du cygne d’un certain cinéma.

Joe d’Amato a favorisé ses premiers pas avant qu’il ne rejoigne son mentor Dario Argento. Mais à partir de cette époque, d’Amato pointera au journal du Hard et plus jamais dans Mad Movies. La collaboration Argento /Soavi échouera sur 2 gialli délavés («Sanctuaire» et «La secte»). Le cinéma italien ne fera pratiquement plus la une des magasines.

En 1987, «Bloody bird» avait laissé imaginer un retour de flamme, ce qui était beaucoup pour les épaules d’un jeune cinéaste, surtout d’un fan passé dans la cour des grands.

Vu aujourd’hui, le premier opus de Soavi, pourrait passer pour une sympathique relique 80’s, entre une pub de Jean-Paul Goude et un clip des Rita Mitsoukos. Les vénérables de la série B le considérerons comme un objet historique, celui qui marque la fin des vidéos estampillées Avoriaz pour annoncer  la télévision panoptique.

Pour l’avoir revu, je pense que «Bloody bird» vaut bien mieux que cela. C’est un film.

Pendant une heure, ce film donne raison à nos craintes de bon goût. Comme un aveu, il débute sur le plateau d’une comédie musicale débile avec costumes bariolés et solos de saxo larmoyants. Mondino se serait mis au bis…

S’ensuit un slasher movie efficace et dignement gore. Pourtant, en 87, «Vendredi 13» en est déjà à sa 6e mouture («Jason, le mort-vivant» de Tom Mc Lauglhlin), le public rigole et le coeur n’y est plus tout à fait.

C’est lorsque le casting a été exterminé en règle que Soavi lâche l’efficacité américaine pour     atteindre le baroque italien. Plus précisément, l’anxiogène caméra subjective laisse la place à de langoureux mouvements d’appareil. Le puissant mais froid enchaînement des champs / contrechamps s’ouvre à la participation du spectateur, invité à la mise en scène de cet opéra morbide.

L’héroïne, seule survivante, s’échappe des latrines où sont entassés les cadavres, pour passer sous la scène du théâtre, dans lequel s’étaient enfermés les protagonistes. Par ce Styx narratif, «Bloody bird» devient un pur film d’horreur et en même temps un slasher en apesanteur. Soavi a fait ses classes. Il fut l’assistant méritant de maîtres exigeants (Argento donc, mais aussi Terry Gilliam) et se montre digne des films qui l’ont nourri.

Dans sa dernière demi heure de giallo survitaminé, ce sont les plus grands auteurs qui viennent à l’esprit. La scénographie mortuaire rappelle Schroeter ou Chéreau, le jeu de masques évoque Pasolini ou Ferreri.

Peu de cinéastes avaient réussi à rassembler de telles références de manière aussi harmonieuses. Le maître en la matière se nommait, jusque là, Dario Argento.

On peut songer au moment où Bruno Nicolaï a atteint la grâce d’Ennio Morricone, dont il avait été le chef d’orchestre.

~ par 50 ans de cinéma sur 19 avril 2012.

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