The Sopranos: saison 2, 2000

David Chase


Au début, je n’avais pas bien compris la famille Soprano. Trop rapidement culte, trop branché et trop proche de « Mafia blues ».

Puis, j’y suis retourné, pour réaliser que la création de David Chase relevait du plus grand cinéma.

La première saison tenait le rôle ingrat d’éclaireur. Les personnages se présentaient, l’univers se posait, sauf qu’à l’avant dernier épisode, il ne semblait toujours rien se passer dans le New Jersey !

Les derniers plans abandonnaient la famille désunie, prise sous une averse soudaine, s’abritant dans un dinner. Chase annonçait gentiment que son matériau principal serait bien le temps.

De retour chez Tony, nous disposons finalement de peu de repères. De nouveau personnages apparaissent et la narration nous impose de les intégrer comme de vieilles connaissances. Le temps de la série se déploie alors comme un curieux monde parallèle où tout le monde vit, meurt, se marie ou se sépare en l’absence de notre regard.

Les Sopranos vivent sans nous. Nous apprendrons à vivre avec, jusqu’à cette période de 3 ans séparant les saisons 5 et 6, qui nous fit comprendre que si nous avions vécu sans eux et eux sans nous, nous n’avions jamais réellement quitté « les Soprano ».

Durant cette deuxième saison, les auteurs font accéder leur oeuvre à un niveau supérieur, en réglant quelques comptes avec leur inconscient cinéphilique.

Tout d’abord, Tony Soprano perdra sa mère Livia, source de toutes ses névroses. Une importante cheville scénaristique disparaît. C’est douloureux et Tony ne s’en remettra que difficilement mais il est devenu un homme libre, comme la série, qui lâche son concept dès sa deuxième année d’existence (le parrain chez le psy à cause d’une mère castratrice).

Ensuite, Tony emmène ses capos faire un tour en Sicile, sur les lieux où Vito Corleone a commis ses premiers forfaits. Le film de Coppola est, d’ailleurs, régulièrement cité par Sylvio ou Paulie, sans qu’ils en fassent toute une histoire, manière d’ôter la référence trop évidente au spectateur. La Sicile des « Sopranos » prendra les traits d’une femme ensorcelante mais trop lointaine, laquelle leur annoncera que la saga mafieuse leur appartient désormais en propre.

Dans un mouvement inverse, le neveu prodigue Christopher se pique de faire du cinéma, du vrai. Ses efforts aboutiront à une infâme série Z qu’il ne parviendra jamais à faire respecter, fusse revolver au poing. Chris Moltisanti fait fausse route, c’est son  quotidien qui édifie le mythe.

Par ailleurs, un autre protagoniste va définitivement libérer le gang de ses éventuels complexes : Richie April sort de prison. L’interprète, David Proval, porte l’histoire des seconds couteaux de la mafia sur sa gueule sinistre. « Mean streets », bien sûr, mais je me souviens, en particulier, du gangster vampire de « Innocent blood ». Ici aussi, il joue le rôle d’un mort vivant. Comme dans un pacte faustien, il séduira Janice la soeur de Tony, obligé de supporter son encombrante présence.

Car, si les Sopranos évoluent de manière fluide, Ritchie lui n’a jamais changé, il se croit encore chez Scorsese et imite Joe Pesci, violence et sadisme inclus.

David Chase et Tony Soprano se chargeront  de lui faire comprendre que ce monde n’est plus le sien, par la même occasion,  ils expliquent aux cinéphiles que leur série télévisée n’a aucun besoin de surmoi cinématographique.

Au loin, les psychanalystes se chargent de garder l’inconscient : Lorraine Bracco, sortie des «Affranchis» se charge d’analyser Tony. Cette lourde tâche lui impose de parler elle-même à un professionnel. Ce dernier est incarné par un cinéaste issu du nouvel Hollywood et devenu mémoire du cinéma américain : Peter Bogdanovich.

Capice ?

~ par 50 ans de cinéma sur 25 septembre 2011.

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